Etats-Unis . 1974 . 2h10 . couleur . VOSTF
Palme d’or au Festival de Cannes de 1974
avec Gene Hackman, Frederic Forest, John Cazale, Harrison Ford
Grand maître de la prise de sons, sorte d’espion qui capte les conversations les plus secrètes, Harry Caul, seul au milieu de la foule, enregistre le dialogue d’un couple pour le compte d’un de ses clients. Mais en écoutant la cassette chez lui, il comprend qu’on l’a manipulé en vue d’un complot meurtrier. Lui qui s’est toujours tenu en marge de la société, hésite à intervenir… Risque-t-il d’être à son tour, la victime d’une technique qu’il croyait maîtriser ?
© Carlotta Films
Film suivi d’une intervention de François Bégaudeau (critique de cinéma, écrivain).
Palme d’or à Cannes en 1974, ce grand film méconnu de Coppola s’inscrit en plein scandale du Watergate. Film ambigu et sobre, à l’image du personnage principal joué par Gene Hackman, Conversation secrète n’est pas seulement un thriller bien ficelé dans un univers de tromperie et d’angoisse permanente : il pose clairement la question de la responsabilité individuelle, de la violation de la vie privée et du danger des technologies modernes, aussi anodines soient-elles. Car Conversation secrète peut se voir de bien des manières, et d’abord comme un film à suspense, mais d’une facture inhabituelle : sorte de suspense au ralenti, où chaque plan se construit dans la lenteur pour que l’horreur s’offre finalement à notre regard comme le fruit de notre seule attente. Mais c’est aussi une fascinante réflexion sur l’image et le regard : qu’est-ce qu’un homme qui veut voir, et que voit-il qui ne soit le jeu de ses représentations ? Film entièrement travaillé par ce désir, miné par cette obsession : voir ce qui toujours échappe à notre regard —ici un meurtre qui sera précisément l’image manquante du film. Mais cette image, par son absence même, forcera toutes les autres à perdre de leur poids de réalité, elle se cachera derrière toutes les autres images pour les forcer à signifier autre chose que ce qu’elles nous montrent. Comme si pour que quelque chose apparaisse, il fallait le travail d’une double disparition. Disparition de celui qui perçoit, d’une part : il semble que, pour Coppola, on ne voie qu’à condition de s’effacer soi-même du visible, qu’à condition de devenir soi-même imperceptible. Disparition de ce qui est perçu, d’autre part : Harry n’a une chance de voir ce qu’il désire qu’au prix de la disparition de tout le reste, qu’à condition de devenir aveugle à tout le reste, dont rien ne lui dit qu’il n’était pas peut-être plus essentiel… Conversation secrète apparaît alors comme un grand film de la déception, où ce que l’on voit n’est jamais ce que l’on désire mais l’obstacle même qui empêche de le découvrir.