À l’école de l’image, en avant jeunesse…

Les programmes pour la jeunesse ont commencé dès la naissance du cinéma, voire avant si l’on inclut les lanternes magiques, praxinoscopes ou autre « théâtre optique » (ancêtres directs du cinéma et de l’animation). Ainsi le cinéma burlesque et les dessins animés convenaient souvent à tous les âges, et plaisaient autant aux petits qu’aux grands. Mais c’est vraiment le développement généralisé de la télévision dans les années 70 qui a bouleversé l’offre audiovisuelle pour les enfants. Et si, comme les plus anciens, nous avons tous en tête des films qui nous ont marqués enfant, ce sont surtout des émissions, des séries, des dessins animés issus de la télé qui abondent dans notre mémoire. On parle par exemple de "génération Gloubi-boulga" en référence à Casimir et L’île aux enfants (programme des années 70 et 80). Or depuis une période plus récente, de nombreuses chaînes de télévision diffusent dès le matin de quoi divertir les enfants, avec plus ou moins d’intérêt éducatif, mais plutôt moins. On peut s’interroger sur l’utilité matinale de ces programmes, quand les enfants viennent juste de se lever et se préparent pour aller à l’école. Est-ce l’occasion pour les chaînes de préparer les enfants à la société de consommation et du spectacle dès le plus jeune âge ("du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola" disait le patron de TF1) ? Quoi qu’il en soit, aujourd’hui les faits sont là : les enfants passent de plus en plus de temps devant un écran qu’il soit de télé, de cinéma, d’ordinateur, de téléphone. Et ce n’est peut-être pas une catastrophe, car ces écrans peuvent toujours être des "fenêtres sur le monde" qui contribuent à former les esprits dans de nombreux cas. D’ailleurs les enfants y étant confrontés avant même de savoir lire et écrire, on ne peut qu’admettre que ces images sont formatrices pour les jeunes… Et pourtant personne ne leur a appris à les décrypter ! Est-ce à dire que cela ne s’apprend pas ? Bien au contraire ! Car de même qu’on peut savoir déchiffrer un texte sans pour autant bien le comprendre, on peut regarder un film ou un programme télé sans vraiment le voir. À l’école, lieu d’apprentissage fondamental, on apprend à comprendre le monde, à utiliser les savoirs et les connaissances pour se développer et s’épanouir dans la vie. Mais on apprend pas ou trop peu à décrypter cette multitude d’images qui nous entoure. Il existe heureusement des dispositifs scolaires en faveur de l’éducation à l’image (École et cinéma, Collège au cinéma, Lycéens au cinéma), et même des options cinéma au Lycée, mais ce n’est pas suffisant dans une scolarité — on regrettera d’ailleurs qu’en Vendée, Collège au cinéma n’existe pas, alors que le dispositif est présent dans quasiment tous les départements français. Alors qu’attend-t-on pour former les jeunes à ce qui est le média le plus courant, pour leur apprendre comment on fabrique un film, comment faire la différence entre une œuvre d’art et un divertissement, comment les images et les sons prennent sens : plan large, gros plan, montage alterné, montage parallèle, ellipse, flash-back, flash-forward, etc. ? Pourquoi n’apprendrait-on pas l’histoire de la télévision — en plus de celle du cinéma bien sûr ?…

C’est la raison d’être d’une programmation jeune public et scolaire durant le festival de cinéma En route vers le monde en lien avec la thématique de cette année « Les femmes et la modernité » : diffuser des films de qualité et ouvrir des pistes d’analyse et de réflexion ; des films avec des héroïnes, des personnages féminins forts comme on en voit trop peu encore ; des films où la question de la place de la femme dans notre société d’aujourd’hui ou d’hier y est clairement posée. Il s’agit d’éveiller l’esprit critique des adultes de demain face aux médias les plus séducteurs et troublants, mais pour autant passionnants, riches et profonds, quand on les utilise au mieux. Il ne s’agit donc pas de se priver de l’audiovisuel sous un prétexte dépassé de "lobotomisation", mais plutôt de l’apprivoiser sans laisser nos enfants seuls face à cet outil si puissant ! À l’école de l’image, en avant jeunesse…

L’équipe jeune public et scolaire, Xavier Esnault, Julie Auzou, Florine Renard.