César du meilleur film français 1984 César du meilleur jeune espoir féminin à Sandrine Bonnaire 1984.
avec Sandrine Bonnaire, Evelyne Ker, Dominique Besnehard, Maurice Pialat, Cyril Collard
Film présenté par ZARLAB intervenants cinéma. A 16h30, à l’université, rencontre Zarlab pour une discussion autour de la programmation « six on teen » (A nos amours, Donnie Darko...).
On reconnaîtra dans A nos amours cet art du cinéma de Pialat qui, par le biais d’une improvisation subtilement contrôlée, nous fait saisir dans chaque plan le frémissement des êtres comme autant d’instants uniques : un soir d’été en plein air, les blessures de la jalousie, une dispute familiale jusque dans son ridicule, un moment de confidence entre une fille et son père... Palette de sensations, émotions tendres ou violentes, mais surtout échos du réel. Car il y a chez Pialat cette exigence de nous rendre les rapports humains dans ce qu’ils ont de plus profond, de plus intense, de plus sincère. Il s’agit en effet de rendre compte de la complexité du réel, de saisir la vie dans toutes ses incertitudes quant à nos choix, nos désirs, nos espoirs, nos mœurs et pensées… Saisir l’adolescence comme un moment à la fois excitant et angoissant, comme découverte des complexités de la vie avec ses sens et non-sens, avec ses joies emplies aussi de doutes, avec ses peurs salutaires et ses violences absurdes mais souvent inéluctables. Tout le mérite du cinéma de Pialat réside dans ce flottement du sens voire dans son inanité. Ainsi quand, dans A nos amours, Pialat questionne certains effets de la libération sexuelle, le sexe ne se conjugue pas avec l’amour, ou l’amour a toujours eu lieu avant. Pialat peint les ratages, les insatisfactions du rapport sexuel. Mais la chair n’est pas triste, plutôt drôle, jamais grave, « Un moment où on oublie tout » dit à peu de choses près Suzanne. A l’heure de la libération sexuelle, cette dernière vit difficilement une réalité en mal d’amour. « Ça me fait peur, dit-elle, j’ai l’impression d’avoir le cœur sec. » Le passage d’un partenaire à l’autre est à chaque fois la confirmation de cette déception et de sa solitude. Elle change de partenaire pour fuir le précédent, comme elle fuit dans le mariage, puis à l’étranger avec un autre, lourde d’un doute que Pialat s’amuse habilement à faire planer : et si la première aventure était la bonne ? Pas de futur chez Pialat, chaque avancée est une perte. La fragmentation du récit, cette suite d’instantanés prélevés comme au hasard, avec un côté « pages arrachées à la vie de Suzanne », donne, elle aussi, cette sensation d’une fuite du temps, échappée elle aussi d’un réel dont on ne peut saisir que les traces. Jamais Pialat ne nous a fait aussi bien ressentir ce mouvement vers le vide qui est celui de tous ses films. Seulement on se méprendrait complètement si l’on croyait qu’A nos amours est un film accablant, car toutes ses composantes (plans- séquences, dialogues à la pointe sèche, acteurs admirables…), en font un moment de jubilation sensuelle où se mêlent la tendresse et la cruauté.