Artiste éclectique, Chris Marker est à la fois cinéaste, photographe, cameraman, technicien, poète, journaliste, artiste multimédia, créateur, et grand voyageur. Ainsi il n’a jamais caché sa passion pour une certaine forme d’errance filmique à laquelle il donne une structure au montage. Cinéaste très engagé politiquement, Marker s’est souvent posé comme le sismographe des grands mouvements politiques du monde, il a par exemple soutenu les mouvements contestataires des années 70. Il mélange toujours l’anecdotique avec l’important, ici, les tags de chats oranges avec l’actualité récente. Il aime surprendre, prendre à parti, voire déstabiliser le spectateur. Les documentaires de Chris Marker questionnent également sur l’histoire et le sens de l’image. Ici, il nous fait douter de l’existence de M. Chat, afin de remettre en question notre confiance envers les images.
Les premières images de Chats Perchés font donc penser à un itinéraire parisien, Chris Marker traquant M. Chat comme une figure pacifiste et marginale. Le film s’impose par son montage et surtout son écriture, son adresse : Marker procède par ellipses, associations d’idées, et multiplie les digressions. Devenant pour Marker une chimère qu’il va traquer au travers d’un long parcours où l’actualité s’égrène, M. Chat est le fil conducteur d’un parcours où la France est la toile de fond. Débutant en 2001 dans l’après 09/11, le film passe chronologiquement par les grands moments de notre actualité récente : du 21 avril aux manifestations contre la guerre en Irak, de la révolte des intermittents jusqu’à l’affaire Bertrand Cantat. Chats Perchés touche immédiatement par sa simplicité. C’est un de ces films qui s’adresse à tous. A la fois ironique mais jamais cynique, léger, drôle, il s’amuse autant de l’image des joueurs de football français pour la coupe du monde de 2002 dont les portraits s’affichaient selon « des dimensions staliniennes » que de la campagne présidentielle de la même année. Le documentaire qui se proposait d’être « un petit film d’atmosphère simple et sans prétention » capte le monde au travers d’un animal qui prend ainsi la dimension symbolique de la sagesse et de la liberté de la pensée, à la fois bienveillante et insolente.