Etats-Unis . 2005 . 1h56 . couleur . VOSTF
Avec Tom Cruise, Dakota Fanning, Justin Chatwin, Miranda Otto, Tim Robbins
Film présenté par Emmanuel Burdeau (rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma).
Plus de vingt ans après nous avoir fait craquer pour les gentils extra-terrestres avec Rencontre du troisième type puis E.T., Steven Spielberg nous livre sa vision du côté obscur de ces êtres venus d’ailleurs, en adaptant le célèbre roman de H. G. Wells La Guerre des Mondes écrit en 1898. Ce fut l’un des premiers livres de science fiction, il tranche sur l’optimisme de l’époque où l’on voyait dans la planète rouge la possibilité d’une civilisation plus avancée, donc plus sage. Dans le roman de Wells les extra-terrestres viennent sur terre non pas en amis, mais pour y détruire l’humanité : il s’agissait en partie pour le socialiste averti qu’était Wells de dénoncer les actions coloniales de l’Europe en Afrique, en Asie comme en Amérique.
Une fois les extraterrestres arrivés, le massacre commence. L’atmosphère est oppressante, la peur, le sentiment de n’être que des fourmis se fait ressentir. Ce qui compte ici c’est de survivre, de sauver sa peau. L’homme est prêt à oublier sa condition à partir du moment où il peut éviter la mort au détriment de ses congénères, il abandonne toute morale et intelligence pour se comporter comme une bête en furie. Dans le film, pas d’héroïsme ni de patriotisme exacerbé du style d’Independance Day. Ici, le héros est un homme ordinaire, un père de famille qui cherche à se racheter aux yeux de ses enfants, et qui fuit devant une menace impitoyable, essayant à tout prix de sauver sa vie et celle de sa famille. Le film exploite l’imagerie résultant du choc émotionnel du 11 septembre aux États-Unis : les machines des envahisseurs sont des « agents dormants » enfouis depuis des éons dans le sol américain à l’insu de tous. Cette menace sournoise qui ne demande qu’à se réveiller pour libérer son potentiel de mort, est une allusion très nette aux cellules terroristes. Mais en convoquant, quatre ans après 2001, un retour symbolique sur cette tragédie, Spielberg souligne peut-être bien plus cette peur qui fait maintenant partie intégrante de la culture cinématographique et sociale américaine : la peur de l’autre, cet inconnu étrange et incompréhensible, engendrant la xénophobie et l’intolérance du peuple, qui ne se rend plus compte qu’en cela il est à lui-même son propre ennemi intérieur.