WALTER MURCHgénie de notre temps« Walter a des théories fabuleuses sur d’innombrables sujets, notamment à propos de l’idée de structure. C’est l’un des rares artistes du septième art à placer sa réflexion dans un contexte beaucoup plus large – sur le plan littéraire et philosophique – que celui du seul film. Sa démarche est constamment imprégnée par l’intérêt qu’il porte à ces autres domaines. » Francis Coppola Son nom est peu connu du grand public : Walter Murch est pourtant l’un des plus grands expérimentateurs du cinéma contemporain. Un génie, faudrait-il dire, si le mot n’était pas galvaudé. C’est un honneur de l’accueillir à La Roche-sur-Yon. par Mathieu Le Roux |
3 questions à Walter Murch
Vous avez travaillé avec Coppola, Lucas, Zinnemann… Vous avez été mixeur, monteur, scénariste, réalisateur. Vous avez vécu la révolution numérique du montage. Qu’attendez-vous à présent ?
Mon ambition est de continuer à avoir la chance de travailler sur des projets intéressants avec des personnes sympathiques et enthousiastes, et d’avoir du temps pour les réaliser. C’est un défi de taille, dans le climat actuel du cinéma, ultra-commercial, où les délais sont de plus en plus courts. J’aimerais également écrire un autre livre sur le montage, qui explorerait d’autres aspects de la discipline que ceux abordés dans En un clin d’oeil.
Pour le remontage de La Soif du mal, votre travail était de suivre un mémo écrit par Welles et d’en réaliser les propositions afin d’améliorer le film. Combien de temps cela a-t-il pris ? Quelle était la part d’invention et d’intervention personnelle dans cet exercice si particulier ?
La reconstruction de La Soif du mal a pris environ six semaines, trois de montage et trois de mixage. Le mémo de Welles m’inspirait beaucoup – en le lisant, je me sentais en présence de l’homme et de ses rêves. Les propos étaient clairs, bien que manquant de précisions techniques. Le travail comportait donc une partie d’interprétation, que j’étais ravi d’entreprendre. J’avais l’impression que Welles m’avait tendu le mémo et qu’il était allé dans la pièce voisine faire une sieste, en me demandant juste de le réveiller quand j’aurais terminé le travail. J’ai senti de manière très forte sa présence physique, et j’ai été déçu de constater, trois semaines plus tard, qu’il n’était pas là pour voir ce que j’avais fait ! Déjà très grande, mon estime envers Welles n’a fait qu’augmenter grâce à ce travail. J’ai été inspiré et impressionné par sa capacité à articuler des concepts difficiles au sein du mémo. L’ironie est que nous n’aurions jamais possédé ce précieux memo, ces plongées dans l’esprit d’un des génies du cinéma, si Universal ne lui avait pas dérobé La Soif du mal.
Vous consacrez de longs développements dans En un clin d’oeil à l’apparition du numérique et à ses conséquences. Avez-vous été contacté par les développeurs de logiciel pour améliorer leurs versions ? Si oui, comment cela se passe-t-il ?
Après Retour à Cold Mountain (Anthony Minghella, 2003) et Jarhead – la fin de l’innocence (Sam Mendes, 2005), j’ai rencontré pendant un après-midi les développeurs de logiciels de chez Apple pour leur expliquer la manière dont les montages s’étaient déroulés avec leurs outils – quels aspects de Final Cut Po me semblaient aboutis et quels autres domaines me semblaient nécessiter un développement plus approfondi. Mais je n’ai rencontré personne d’Apple récemment. Le nouveau Final Cut X apporte un changement radical, ce qui est un peu perturbant pour de nombreux monteurs professionnels, moi y compris. Je n’ai jamais rencontré les développeurs d’Avid ou de Pro Tools. Je ne suis pas le seul dans ce cas. C’est une grande déception pour moi qu’il n’y ait pas une plus grande proximité entre les développeurs de systèmes de montage et une large communauté de monteurs professionnels.
|