de Denis Côté
Avec Emmanuel Bilodeau, Philomène Bilodeau, Roc Lafortune
Canada . 1997 . 1h35 . VOSTF . Bluray
Avant-Première Sortie en salle le 26/10/2011
La petite Julyvonne, 12 ans, n’y voit rien : c’est le diagnostic, tardif, du médecin qui l’ausculte dans le plan d’ouverture. Julyvonne est myope et aurait mérité d’être soignée plus tôt, mais son père ne s’en est pas aperçu. Jean- François Sauvageau gagne sa vie comme homme de ménage dans un bowling et dans un hôtel. Il vit isolé avec sa fille, en périphérie de la ville, aux abords d’une vaste campagne enneigée. Deux marginaux formant un couple étrange, à l’abri de la communauté. Une paire de lunettes, c’est donc ce dont Julyvonne a besoin et c’est ce que réclame le film pour démarrer. Curling convie d’emblée ses personnages à un apprentissage du regard : le monde ne sera retrouvé qu’au prix d’un réajustement de la vision, il est question de faire le point. Ce cheminement passe pour Jean-François et sa fille par une série de rencontres véritablement stupéfiantes. L’extérieur, l’étranger vont se présenter aux personnages sur le mode du surgissement. C’est la rencontre des genres : le film noir confinant au film d’horreur, égrenant la mort sur sa route, qui vient briser le naturalisme de départ. C’est aussi le montage abrupt de champs-contrechamps où au regard de Julyvonne répondent des images de cadavres dans la neige : des plans fascinants, mystérieux, incompréhensibles. Car le moteur dramatique du film est le fait divers morbide qui s’invite tel un bloc d’opacité à opposer à l’hébétude du père et de sa fille. Choix justifié par la béance qu’il ouvre dans la compréhension : le fait divers fait trou dans le réel, il maintient inextricablement en lui deux aspects contradictoires : l’extraordinaire et le trivial, l’appel de sens et le néant. Aucune explication ne viendra jamais satisfaire notre besoin de donner une signification aux événements. De fausse piste en fausse piste, Curling ne débouche sur rien. La délivrance finale apparait alors comme un point d’interrogation. Entretemps, à notre grande surprise, Jean-François aura enterré le corps d’un enfant disparu sans laisser de trace, Julyvonne ne transmettra pas son savoir des cadavres qui jonchent le bois voisin. Il se sera tout de même passé quelque chose : le secret de Curling est la greffe d’une fiction à peine murmurée, c’est l’imagerie du cinéma (celle du polar, du fantastique) qui aura réveillé et mis en mouvement des corps léthargiques. Suite de mystères irrésolus en apparence, Curling ne laisse pourtant pas ses personnages en plan : ils savent désormais que sous la neige gît un terreau d’histoires qui les unit et les prépare, enfin, à affronter le pire : le monde. Ancien critique de cinéma, Denis Côté est un cinéaste québécois apparu dans les années 2000. Les états nordiques, son premier long métrage, réalisé en 2005, contient déjà ses principales obsessions : une fiction narrant la fuite d’un personnage solitaire se convertit peu à peu en documentaire sur un lieu atypique et ses habitants. Fasciné par le cinéma de genre, Denis Côté creuse une veine réaliste où fantastique, horreur et documentaire se côtoient. Curling, prix de la mise en scène au Festival de Locarno en 2010, est son cinquième film, le premier à être distribué en France. Capricci
Séances Vendredi 14/10 - 9h15 - Concorde 2
Lundi 17/10 - 21h15 - Concorde 1